Enquête Agrafe 2 – Approbation d’un accord de réparation

Le Cour supérieure a entériné aujourd’hui l’accord de réparation soumis conjointement par le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) et les corporations SNC-Lavalin Inc. et SNC-Lavalin International Inc (organisations), en vertu de l’article 715.37 du Code criminel (C.cr.) dans le dossier 500-01-223556-215.

Rappelons que cet accord de réparation se rapporte à des accusations de fraude envers le gouvernement (121 C.cr.), fabrication de faux (366 C.cr.), fraude (380 C.cr.) et complot de ces infractions (465 C.cr.) ayant été déposées en septembre 2021, relativement au paiement du pot-de-vin de 2,3 M$ au président de la société Les Ponts Jacques-Cartier et Champlain Incorporée (PJCCI) pour l’obtention d’un contrat final de 126 M$.

Les conditions prévues à cet accord de réparation lancent un message clair de dénonciation et de dissuasion, sans pénaliser indûment les personnes qui n’ont pas participé à l’infraction. Les obligations financières imposées aux organisations prévoient le versement d’un dédommagement à la victime et un montant substantiel au bénéfice de la collectivité. C’est en ce sens que l’accord de réparation est dans l’intérêt public et que ses conditions sont équitables, raisonnables et proportionnelles à la gravité des infractions imputées.

En l’espèce, l’accord de réparation approuvé par le tribunal comporte des obligations financières pour les organisations et un suivi par un surveillant indépendant, nommé pour veiller à l’amélioration du programme d’intégrité existant.

Le projet d’accord de réparation survenu dans le présent dossier est le premier soumis à l’approbation d’un tribunal au Canada depuis l’entrée en vigueur de ces dispositions au Code criminel en septembre 2018.

Survol du cadre légal applicable

Par l’introduction de ce régime d’accords de réparation, le législateur vise certains objectifs déterminés, énoncés à l’article 715.31 C.cr. :

a) dénoncer tout acte répréhensible de l’organisation et le tort causé par celui-ci aux victimes ou à la collectivité;

b) tenir l’organisation responsable de son acte répréhensible par l’imposition de pénalités efficaces, proportionnées et dissuasives;

c) favoriser le respect de la loi par l’obligation faite à l’organisation de mettre en place des mesures correctives ainsi qu’une culture de conformité;

d) encourager la divulgation volontaire des actes répréhensibles;

e) prévoir la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité;

f) réduire les conséquences négatives de l’acte répréhensible sur les personnes — employés, clients, retraités ou autres — qui ne s’y sont pas livrées, tout en tenant responsables celles qui s’y sont livrées.

Ainsi, un accord de réparation est une alternative au procès que le poursuivant peut utiliser en vertu de son pouvoir discrétionnaire, dans l’intérêt public et dans certaines circonstances, pour lutter contre les actes répréhensibles commis par des organisations. Il s’agit d’un accord entre une organisation accusée et le poursuivant, dans le cadre duquel les poursuites sont suspendues, pourvu que l’organisation respecte les conditions de l’accord pour toute sa durée. À défaut, le tribunal peut ordonner la résiliation de l’accord et les poursuites judiciaires peuvent être reprises.

Un accord de réparation permet d’éviter un procès long et couteux à la collectivité en assurant la dénonciation et le respect de la loi par l’imposition de pénalités financières efficaces, proportionnées et dissuasives, incluant un dédommagement aux victimes. Il permet à l’organisation de continuer de faire affaire et de soumissionner sur des appels d’offres publics avec les gouvernements québécois, canadien et étrangers, réduisant les conséquences négatives sur les employés, retraités, clients et actionnaires des organisations (art. 715.31 f) C.cr.).

Contenu de l’accord de réparation

L’accord de réparation approuvé par le tribunal aujourd’hui est d’une durée de trois ans et les obligations financières définies à l’article 715.34 C.cr. s’élèvent à une somme totale de 29 558 777 $, payable sur la même période.

Plus précisément, ces obligations se composent :

  • du paiement d’une pénalité de 18 135 135 $, payable par versements sur trois ans;
  • d’une confiscation des biens, bénéfices et avantages tirés des infractions s’élevant à 2 490 721 $, payable dans un délai de 30 jours. Ce montant sera en partie partagé avec le Fonds d’aide aux victimes d’actes criminels et des organismes communautaires qui œuvrent à la prévention de la criminalité;
  • du paiement de 3 492 380 $ à titre de mesure de réparation à la victime, la société PJCCI, payable dans un délai de 30 jours;
  • du paiement d’une suramende compensatoire de 5 440 541 $, payable par versements sur trois ans.

En plus des obligations prévues à la loi et décrites ci-haut, l’accord de réparation comprend une reconnaissance de responsabilité par les organisations, établie sur la base d’une Déclaration des faits, ainsi que leurs engagements de collaboration future. Des conditions portant sur le suivi des mesures de conformité sont également prévues. Celles-ci ont pour objectif la mise en place et l’amélioration de politiques, normes et procédures en matière d’éthique et d’intégrité des employés d’une corporation.

En terminant, le DPCP tient à rappeler que certaines ordonnances de non-publication demeurent en vigueur, afin d’assurer aux deux autres personnes accusées en lien avec ces événements le droit à un procès juste et équitable.

Le Directeur des poursuites criminelles et pénales

Le DPCP fournit, au nom de l’État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l’intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.

Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l’opportunité d’entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3 . En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d’innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l’accusé devant le tribunal.