Réponse des quartiers de Montréal à la détresse des demandeuses et demandeurs d’asile – Les milieux se mobilisent, mais les ressources ne suffisent pas

Courtoisie

Depuis des mois, plusieurs quartiers de Montréal se mobilisent pour répondre à la détresse des demandeuses et des demandeurs d’asile et pallier les failles d’un système d’accueil déficient. Mais malgré la volonté et les efforts mis en œuvre pour relever les défis d’une crise qui continue de couver, les ressources du communautaire ne suffisent pas et les équipes frôlent l’épuisement. Or cette nouvelle demande s’ajoute aux autres besoins criants des populations vulnérables, qui ont été exacerbés par la pandémie et ses répercussions socioéconomiques.

« En plus d’avoir été l’épicentre de la pandémie au Canada, Montréal-Nord continue à faire face aux problèmes épineux que rencontre cette clientèle orpheline, dont le manque de ressources financières, le stress et les chocs post-traumatiques ainsi que d’autres difficultés qui touchent plusieurs familles monoparentales, les jeunes et les enfants », déclare Gary Obas, directeur général de L’organisme pour l’Intégration, la Citoyenneté et l’Inclusion (L’ICI).

« Nos services sont étirés au maximum. On est à 400 % de notre capacité, sans financements conséquents pour répondre aux besoins émergents », déplore Jean-Sébastien Patrice, directeur général de la Cafétéria MultiCaf, une ressource communautaire en alimentation qui dessert Côte-des-Neiges.

« L’Arrondissement Ahuntsic-Cartierville étant pris entre Montréal-Nord et Saint-Laurent, deux territoires avec une forte présence de personnes demandeuses d’asile, est très sollicité. Nous pouvons voir que les organismes des territoires limitrophes ne peuvent fournir toute l’aide nécessaire et les personnes demandeuses d’asile se déplacent d’un quartier à l’autre à la recherche de ressources, ce qui démontre bien que le milieu communautaire, financé comme il est actuellement, est sous-outillé », souligne une intervenante du Comité d’accueil local des personnes demandeuses d’asile d’Ahunstic-Cartierville (CALDA).

Préoccupée par les répercussions de cette nouvelle crise, une coalition réunissant des comités de concertation dans quatorze quartiers de Montréal (Ahuntsic-Cartierville, Anjou, Côte-des-Neiges, Lachine, Mercier-Est, Mercier-Ouest, Montréal-Nord, Notre-Dame-de-Grâce, Parc-Extension, le Plateau Mont-Royal, Rivière-des-Prairies, Saint-Laurent, Verdun et Ville-Émard-Côte-Saint-Paul) exhorte les gouvernements du Québec et du Canada à agir rapidement, et de manière concertée, pour répondre aux besoins urgents des demandeuses et demandeurs d’asile et leur donner accès à l’ensemble des services publics dans le respect de leur dignité et de leurs droits. « L’inadmissibilité des demandeuses et demandeurs d’asile à un bon nombre de programmes et de services de l’État précarise davantage cette population particulièrement vulnérable, souligne Stephan Reichhold, directeur de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI). «La contribution des demandeuses et demandeurs d’asile est une grande richesse pour le pays. On a vu pendant la pandémie combien leur rôle a été essentiel au fonctionnement de la société», ajoute Martin Savard de Concert’Action Lachine.

Pour mieux faire face à la crise actuelle, cette coalition demande entre autres :

  • D’augmenter le financement à la mission des organismes communautaires, tous secteurs confondus, pour ainsi renforcer leur capacité à offrir un soutien et un accompagnement adéquats aux demandeuses et demandeurs d’asile ;
  • D’annuler la décision du Conseil des ministres de 1996 qui limite l’accès aux services publics pour les demandeuses et demandeurs d’asile ;
  • De rendre cette population admissible à l’ensemble du Programme d’accompagnement et de soutien à l’intégration (PASI) du ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration du Québec, ainsi qu’aux services de garde subventionnés et aux mesures d’employabilité financées par Service Québec ;
  • De renforcer les services d’accompagnement juridique pour les demandeuses et demandeurs d’asile ;
  • De mettre en place un dispositif d’hébergement transitoire pour ceux et celles qui n’ont pas accès à un logement décent.

Si le phénomène des migrations n’est pas nouveau, on compte aujourd’hui le nombre le plus élevé de personnes officiellement déplacées dans le monde depuis la Deuxième Guerre mondiale, une situation que les conflits et les changements climatiques risquent d’aggraver. Or les mobilisations et les actions collectives nées spontanément dans les différents quartiers qui, depuis plusieurs mois, ont permis de contenir une crise humanitaire démontrent une véritable volonté de la société québécoise d’améliorer les conditions d’accueil des demandeuses et demandeurs d’asile.